Les visiteurs
- Alexis
- 11 déc. 2022
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 avr.
Je partis tout seul ; mais par un prompt renfort nous nous vîmes à deux en sortant de l'aéroport. Puis enfin à trois Campeador.
Campeador ? Peut-être plus humblement de simples visiteurs en quête de souvenirs, ces souvenirs qui prouvent notre existence et font de nous qui nous sommes.
Bon soyons honnête la dernière phrase n'est pas de moi (merci Yasmine). Trêve de philosophie, enfilez plutôt votre plus belle doudoune et prenez un sac à dos, ça y est c'est comme si vous y étiez.
La traversée
Le premier Campeador arrive en retard à l'aéroport. 5 minutes c'est pourtant pas grand chose mais c'est trop pour ne pas rater le dernier bus de la soirée. Le ton est donné il va falloir marcher jusqu'à ce que je peux désormais appeler "chez moi".
Ce n'est qu'un avant goût de ce qui nous attend car nous prévoyons de traverser le massif à l'est de Tromsø, depuis Tromsdalen jusqu'à Oldervik pour être exact.

Nous sommes en quête de souvenirs et ces souvenirs se feront dans les montagnes norvégiennes du cercle polaire.
Après avoir acheté semoule, boîtes de thon et sauce tomate nous partons le lendemain pour 4 jours dans la nature. Désormais fier membre de l'association norvégienne de randonnée j'ai récupéré la clé qui nous ouvrira les portes de tous les refuges sur notre chemin. Mon voyage jusqu'à maintenant aurait été tellement plus simple avec ce précieux passe-partout, mais sûrement bien moins savoureux.
La neige et le froid s'invitent rapidement dans notre aventure puis c'est au tour du blizzard et des pluies verglaçantes. L'expérience est authentique. Enfin plus ou moins authentique car le norvégien est malin il ne sort pas quand le temps tourne au vinaigre, disons plutôt une expérience unique. Mais nous sommes des chasseurs de souvenirs rien ne nous arrête. Pas même l'ascension du Tromsdaltinden qui nous rappelle que crampons et piolets nous auraient sécurisés, ni la lente progression dans l'épaisse couche de neige qui nous fait regretter de ne pas avoir pris de raquettes, ni même les marécages qui collent à nos pieds une fois la limite pluie/neige dépassée et encore moins les traversées de torrents déchaînés dans lesquels il ne vaut mieux pas tomber.

Ce sont ces obstacles qui rendent les souvenirs singuliers et d'autant plus saisissants. Qu'importe la météo, nous savons que le soir nous aurons le droit à un bon repas chaud au coin du feu accompagné d'un whisky soigneusement empaqueté au détriment de nourriture plus variée. Pour réchauffer les cœurs et pimenter les discussions, parce que oui le bon repas chaud ça reste de la semoule à la sauce tomate.
Notre retour à la civilisation est éclairé des derniers rayons visibles du soleil. La lutte entre les lumières de l'aube et les couleurs du crépuscule se fait de plus en plus courte, bientôt la nuit polaire sera reine et le soleil ne se lèvera plus.
Après une tentative infructueuse pour rentrer en stop nous attendons patiemment dans le froid le bus qui nous ramènera à Tromsø.
Maintenant que nous pouvons tous les deux cocher dans notre To Do liste la randonnée hivernale dans le cercle polaire, la rencontre avec un troupeau de rennes et la contemplation des aurores boréales depuis un refuge perdu en montagne, il est l'heure de se préparer à la prochaine étape. Le troisième Campeador est sur le point d'arriver et lui aussi est un chasseur de souvenirs. Il va falloir taper fort d'autant plus que son séjour est court.
Tromsø ne dort jamais
Désormais au complet, c'est tout naturellement autour de quelques bières que commencent les concertations sur le programme des jours à venir. Comme à notre habitude les sujets dérivent vite et nous n'organisons pas grand chose, le plaisir de se retrouver a pris le dessus.
Pour marquer le coup la première expérience que nous choisissons d'inscrire dans notre mémoire collective est un mini-golf d'intérieur. Bon d'accord il y avait peut-être plus authentique à faire après avoir parcouru 3000km. Encore que... Le lieu est étonnamment prisé par les étudiants de la ville qui viennent se dégourdir les gambettes avant de se lancer à la conquête de la nuit.

La partie est acharnée. Chaque coup compte, la tension monte. Le jeu devient vite une compétition digne de la Ryder Cup et je dois finalement m'incliner à 1 point près du seul golfeur communiste que je connaisse, sacré match.
Nous tombons vite d'accord que pour faire connaissance avec Tromsø, le Paris du Nord, il serait dommage de ne pas écumer la multitude de bars qui jalonnent la rue principale.
La visite est au moins aussi sportive que le trek des jours précédents, si sportive que *anecdote censurée*. Quoi de mieux pour marquer notre empreinte à Tromsø ? L'histoire ne s'arrête évidemment pas là, nous nous lançons alors dans *anecdote censurée*. Les trois mousquetaires ont encore frappé fort.

Vous l'avez compris nous sommes infatigables, prêts à tout donner dans notre traque de nouveaux souvenirs quitte à y laisser quelques plumes.
Sauver Willy
Vient enfin le moment de jouer les touristes, après tout c'est ce que nous sommes. Donc après les aurores boréales, le troupeau de rennes, le mini-golf et la *anecdote censurée* nous partons à la recherche des baleines.
Rien d'aventureux cette fois, nous prenons part à une excursion organisée par un tour opérateur comme il y en a des dizaines à Tromsø. Au moins le bateau est tout confort, parfait pour faire la sieste.
Nous nous mettons donc d'accord pour dire que le repos est bien mérité : nous avons eu le droit a une belle séance la veille au soir et de toute façon les nuages cachent le paysage. Sage décision.
Après quelques heures à naviguer nous longeons Vannøya, l'île où j'avais établi domicile il y a 1 mois (voir le post 👉 L'île au trésor). Je tente de leur montrer la maison de Giulia, José et Evuad située à la pointe de l'île mais avec le brouillard impossible de distinguer quoique ce soit. Retour à la sieste.
Et puis enfin ça y est, annonce sonore du capitaine, souquer les artimuses, ils sont là les patrons des mers du nord. D'un noir aussi profond que la mer et avec cette tâche blanche si caractéristique, nous reconnaissons les orques qui nagent paisiblement à nos côtés. C'est même une famille de cinq qui est à quelques mètres du bateau. L'instant a quelque chose de magique pour le chasseur de souvenirs en moi et en même temps...
En même temps je ne peux m'empêcher de me demander ce que je fais au milieu de cette forêt d'appareils photos braqués sur l'innocente famille. Jouant des épaules pour avoir le cliché parfait des ailerons qui vont et viennent sous la surface, pour immortaliser le moment dans des photos mal cadrées qu'ils ne regarderont peut-être jamais, le touriste équipé de son troisième œil est un chasseur de masse. Je ne me sens pas à ma place. Moi qui ai pris soin jusqu'à maintenant de me tenir à l'écart des attractions touristiques me voilà en plein dedans. Parce que non nous ne sommes pas la seule expédition à pister les orques, autour de nous deux autres bateaux similaires et trois zodiacs suivent les mammifères.
La Norvège a établi des règles claires sur le nombre de bateaux et les distances à respecter pour observer les baleines, règles respectées à la lettre mais qui n'en dénaturent pas moins l'expérience. La réalité économique de l'industrie du tourisme s'assoit à notre table.
Et puis on leur a demandé leur avis aux orques ? Ils étaient tranquillement en balade dominical à jouer de la nageoire, sûrement à discuter de la hausse des prix du hareng en famille peinard, que débarque l'armée des 12 singes avide de graver ces images dans leurs mémoires. Enfin vous l'avez compris plutôt dans les cartes SD de leurs appareils photo.
Révolté peu courageux et silencieux je ne prends pas de photo. En bon chasseur de souvenirs que je suis je n'oublierai pas ce moment mais peut-être pour des raisons autres que le spectacle de la nature qui s'est offert à nous.
Pendant que mes compagnons s'assoupissent sur la route du retour je me fais la promesse de ne plus recommencer ce genre d'attraction. J'aimerais tant être dans l'équipe des bons chasseurs. Mais y a-t-il vraiment une différence entre un bon et un mauvais chasseur ?
Pour devenir mémorable l'expérience vécue ne restera que si elle possède ce caractère unique qui la distingue du reste de nos expériences. C'est pour cela qu'un chien qui ramène un bâton ne laisse généralement pas une trace significative dans notre mémoire mais un chien qui joue du piano oui. - H.R.
Bien dit Henri. Pas de chien qui joue du piano dans cette histoire mais des souvenirs tout autant uniques qu'ils ont été vécus avec des gens de grande valeur et dans le froid du grand Nord de la Norvège.
Merci Eliot et Zacharie d'avoir mené cette quête à mes côtés. La chasse est désormais terminée et voici venu le temps de revenir à la réalité.
Ne l'oublions pas, nous ne sommes que de simples visiteurs.
Vers l'infini et au-delà 🚀
Bonus
En attendant dans le canapé l'heure socialement acceptable pour aller boire une bière
🎶 Vivre - 47ter
Bijour Monsieur Vincent (bis)👽
Encore un bel article et de belles images, merci !
Un visiteur ... venu d'ailleurs .... OHHHH 👽